Quatre cadavres de « vampires » ont été trouvés à Gliwice, dans le sud de la Pologne, lors de fouilles archéologiques.
Les chercheurs se sont retrouvés nez à nez avec des squelettes enterrés selon une tradition bien spéciale : ils avaient été décapités, et leur tête avait ensuite été placée entre leurs jambes.
Pourquoi parle-t-on de « vampires » ?
Selon la radio polonaise, les hommes suspectés ou accusés d’être des vampires étaient enterrés ainsi afin qu’ils ne puissent pas revenir d’entre les morts.
Une astuce de toute évidence efficace puisque les corps, retrouvés en 2013, auraient été enterrés au XVIe siècle… Selon le Telegraph, les historiens associent cette pratique à la culture slave dans les siècles suivant l’adoption du christianisme par des tribus païennes.
Loin de l’imaginaire du vampire chic et froid créé par Bram Stoker, le vampire moyenâgeux était moins étudié : il s’agissait plus généralement de n’importe quel païen suivant de vieux rites.
D'après les chercheurs, ceci correspond à un rituel funéraire qui dans le cas présent servait dans le sacrifice des vampires. En les décapitant, les villageois s'assuraient qu'aucun vampire mort ne puisse revenir à la vie et hanter les vivants en buvant leur sang.
Les faits
Deux versions de l'histoire existent, toutes deux répertoriées notamment dans le Traité sur les apparitions des anges, des démons et des esprits et sur les revenants, et vampires de Hongrie, de Bohème, de Moravie et de Silésie. de Dom Augustin Calmet (1746).
Dans la première version de l'histoire, trois jours après avoir été mis en terre, le corps de feu Petar Blagojević sortit de sa tombe. Au soir, il se dirigea tout droit vers sa maison, où son fils lui ouvrit : là, Petar réclama à manger. Le fils obéit immédiatement, le mort entra alors, se restaura et repartit aussitôt. Le lendemain, le fils raconta toute l'histoire à ses voisins, et on s'attendit alors à un retour du revenant ; mais la nuit suivante fut tranquille.
Le soir d'après, par contre, le mort apparut une nouvelle fois à son fils et réitéra la demande faite deux jours plus tôt. On ne sait pas si, cette fois-ci, le fils accepta, mais on retrouva son cadavre dans son lit au matin suivant. Le même jour, une étrange épidémie se répandit parmi les habitants de Kisiljevo : cinq ou six personnes tombèrent subitement malades, perdant toutes leurs forces et devenant anémiques. Elles moururent peu de temps après.
Dans la deuxième version, une dizaine de semaines après son inhumation, Blagojević sortit du tombeau et rendit visite à sa femme, afin qu'elle lui « donne ses souliers ». La pauvre femme, terrorisée, quitta le village quelques jours après cet incident. Dans cette version, les agressions vampiriques sont rapportées plus explicitement : Petar Blagojević aurait visité la nuit des habitants pendant leur sommeil, et les aurait étouffé à tel point qu'en huit jours, neuf personnes de tous âges décédèrent.
L'affaire devenant grave, on avertit l'officier (Frombald, celui qui rédigea le rapport) en charge de la zone, ainsi que le curé, et on leur demanda d'exhumer Petar Blagojević sous peine de fuir le village. L'officier et le prêtre finirent par accepter. Quand le tombeau fut ouvert, on constata un certain nombre d'éléments laissant penser que l'homme était bien un vampire :
"Le corps ne dégageait aucune mauvaise odeur, malgré le temps passé sous la terre (plus de dix semaines). Il paraissait vivant et bien formé, mis à part le nez qui semblait être « un peu flétri et desséché ». Les cheveux et la barbe du défunt avaient poussé. De nouveaux ongles avaient poussé, les anciens étaient tombés au fond de la tombe. Le corps semblait avoir mué, la peau semblait blanchâtre et morte, et une nouvelle peau apparaissait en-dessous. Les pieds et les mains étaient intacts. Du sang frais coulait de la bouche."
Les habitants, disant aussitôt que ce sang appartenait aux victimes qu'il avait fait mourir plus tôt en les étouffant, allèrent chercher un grand pieu qu'ils enfoncèrent dans la poitrine du cadavre. Du sang frais jaillit alors en abondance de la blessure et par les autres orifices du corps (bouche, nez et oreilles), et le mort éjacula (« Il rendit aussi quelque chose par la partie de son corps que la pudeur ne permet pas de nommer », d'après Calmet). On jeta alors le corps dans un bûcher, et le vampire fut réduit en cendres.
La légende
Le cas de Petar Blagojević est entré dans la légende comme le premier cas de vampirisme historique bénéficiant d'une enquête et de rapports complets. L'officier chargé de faire le
rapport, M. Frombald, fut celui qui utilisa pour la toute première fois le mot vampire dans un texte, de façon officielle : « ...dergleichen personen, so sic vanpiri nennen » soit en français : « ...des dites personnes, qui se nomment ainsi "vanpir" »
Cette histoire fut récupérée par nombre d'auteurs de l'époque et fut très vite connue dans l'Europe entière : Michæl Ranft le rapporte dans son De Masticatione Mortuorum in Tumulis (« Des morts qui mâchent dans le tombeau ») en 1728, suivi un an plus tard par le Marquis d'Argens qui en parle dans ses Lettres Juives. En 1746, Dom Augustin Calmet consacre un chapitre au cas Blagojević dans son célèbre Traité sur les apparitions des anges, des démons et des esprits et sur les revenants, et vampires de Hongrie, de Bohème, de Moravie et de Silésie.
RAPPORT DE FROMBALD – au sujet de Peter Plogojovitz - 1725
Le 1er cas rapporté en 1725 par l’officier impérial du district de Gradiska, Frombald et qui fit connaître le mot slave ‘Vampir’ dans toute l’Europe Occidentale, fut celui de Peter Plogojovitz.
Ce dernier était un paysan du village serbe de Kisolova qui serait apparu à sa femme en lui réclamant ses souliers, et à plusieurs autres personnes, sans raison apparente 10 semaines après sa mort.
Les villageois accusaient le mort de s’être couché sur 9 personnes pendant leur sommeil et d’avoir provoqué leur décès en un court intervalle de temps. Sollicité par les habitants, l’Officier Impérial assista en compagnie du pope du village à l’exhumation du mort et put constater par ses propres moyens l’exceptionnelle conservation de son cadavre.
Le rapport qu’il à l’administration impériale à Belgrade énumère les signes qui ont permis aux villageois d’identifier Peter Plogojovitz comme vampire et de le mettre à mort.
« … D’abord de ce corps et de son tombeau ne s’exhalait pas la moindre odeur qui est pourtant celle des morts : le corps, à part le nez qui s’était quelque peu détaché, était tout frais. Les cheveux et la barbe ainsi que les ongles, dont les anciens étaient tombés, avaient poussés. Son ancienne peau, qui était quelque peu blanchâtre, avait pelé, et une nouvelle peau, fraîche, s’était formé par dessus. Le visage, les mains, les pieds, et tout le corps, étaient tels qu’ils n’auraient pu être plus parfait de son vivant. Ce n’est pas sans surprise que j’ai aperçu dans sa bouche un peu de sang frais, lequel, selon ce qu’on raconte généralement, était le sang qu’il avait sucé du corps de ceux qu’il avait fait mourir… »
Le rapport de Frombald attire l’attention des autorités autrichiennes sur les pratiques des populations locales qui ne manquent pas de perforer le coeur du mort à l’aide d’un pieu aiguisé avant de le brûler : « Ils l’appliquèrent sur le coeur, et quand le pieu transperça celui ci, on ne vit pas seulement une grande quantité de sang tout frais sortir de ce coeur, des oreilles et de la bouche ; on vit se manifester d’autres signes aussi, mais dont j’évite d’en parler ici en raison du respect que je vous dois. Finalement, ils brûlèrent pour le réduire en cendres ce corps dont il avait été souvent question et ils le firent dans ce cas ci selon leur manière habituelle de procéder. Voilà donc ce dont j’informe l’Honorable Administration, et l’humble et obéissant serviteur que je suis me permet de la prier, au cas ou une faute aurait pu être commise en cette affaire de ne pas l’imputer à moi même, mais à ces gens qui, pris de terreur, s’étaient trouvés comme hors d’eux mêmes »
Le proviseur Impérial Frombald du District de Gradiska
Le rapport envoyé à Vienne par le Kameralprovisor Frombald, et qui concerne le cas de Peter Plogojovitz n’existe que sous la forme d’une copie qui date de l’époque (de la même année).
Elle s’intitule : Copie du rapport de Monsieur Frombald, Proviseur de la Chambre Impériale à Gradiska dans le royaume de Serbie, sur les ainsi nommés Vampires ou suceurs de sang.
Elle est conservée au Hofkammearchiv (Archives de la Cour Impériale)
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Dans d'autres légendes serbes, on dit que Plogojowitz (Blagojevic) serait sorti de sa tombe et se serait rendu en Angleterre pour échapper à la colère (ou a la peur) des habitants de Kisiljevo.
On raconte aussi que ce serait lui qui aurait créé le cimetière de Highgate.
Le village de Kisilova (Kiseljevo) n'est pas très éloigné de Medvegia (Medwegya), le village où revint Arnold Paole, un autre vampire célèbre. Cet événement marqua la première occurrence du mot "vampire", en tout premier lieu: vampyr. (“dergleichen personen, so sic vanpiri nennen”)
Dans son roman Un lieu incertain, paru le 25 juin 2008, Fred Vargas s'inspire très largement de la légende de Peter Plogojowitz et de celle d'Arnold Paole.
L'histoire fut mentionnée par le Marquis d'Argens dans ses Lettres juives, en 1729.
En 1727, Arnold Paole était rentré chez lui après avoir participé à la guerre qui avait alors lieu entre l’Autriche et la Grèce.
Un jour, une charrette de foin bascula et tomba sur lui, et il mourut ; il se fit donc naturellement mettre en terre au cimetière du village. Cependant, alors qu’il était encore vivant, Paole avait fait part de ses craintes.
Alors qu’il avait été envoyé dans les environs de Cassova, aux abords de la Serbie turque, il avait été attaqué par un vampire turc. Il avait cru alors pouvoir se protéger à l’aide d’un rituel (se frictionner avec le sang du vampire et manger de la terre de son tombeau), mais il craignait de devenir vampire tout de même une fois décédé.
Une fois mort, ses craintes se révélèrent fondées : une trentaine de jours après l’enterrement, il fut aperçu rôdant la nuit dans le village. Il tourmenta dans leurs cauchemars plus de la moitié de la population, et quatre personnes moururent subitement avec tous les symptômes d’une attaque vampirique : anémie, grande fatigue, affaiblissement général, cauchemars…
Les villageois se plaignirent donc au bailli du village, qui donna l’ordre d’exhumer Paole quarante jours après sa mise en terre.
Lorsque son cadavre fut exposé aux yeux de tous, Calmet raconte qu’on trouva sur son cadavre toutes les marques d’un Archivampire (autrement dit, le vampire "originel" d’un lieu).
Son corps était frais et vermeil, la barbe avait repoussé, ainsi que les ongles et les cheveux. Du sang fluide et frais coulait dans ses veines, et sortait de ses orifices partout sur son suaire. Il avait également la bouche grande ouverte. Le bailli donna l’ordre de lui planter un pieu très aigu dans la poitrine et de répandre de l’ail sur son cadavre, ce qui fut fait : quand le pieu le traversa, il poussa un cri effroyable, comme s’il était encore en vie.
Après, on le décapita et on brûla son corps, et on s’empressa de faire pareil avec ses quatre victimes présumées, de peur qu’elles ne fassent à leur tour des morts.
Localisation : Medvegia, Serbie, Europe
Date : 1727 (première vague d'attaques), 1732 (seconde vague)
Cependant, les faits ne s’arrêtèrent pas là.
Cinq ans plus tard environ, une autre épidémie de vampirisme se déclencha à Medvegia.
En trois mois, ce sont 17 personnes de tous les âges qui moururent d’attaques vampiriques, ou parfois même sans autres symptômes qu’une mort soudaine.
La fille d’un paysan, couchée en pleine santé, se réveilla épouvantée et tremblante, et assura que le fils d’un autre paysan, mort neuf semaines auparavant, était venu pour essayer de l’étrangler dans son sommeil. Elle tomba alors gravement malade et mourut quelques jours plus tard. On décida donc de déterrer le corps du fils du paysan, suspecté d’être un vampire, et on le trouva vampirisé.
Comment le vampirisme avait-il pu renaître alors que toutes les précautions avaient été prises ?
Des médecins et des chirurgiens cherchèrent, et en arrivèrent à la conclusion que Paole n’avait pas seulement attaqué des humains, mais aussi du bétail. Ce bétail avait survécu aux attaques et avait continué à vivre, et ainsi, quand les propriétaires en avaient mangé, ils s’étaient trouvés vampirisés. À leur mort, ils se transformèrent donc en revenants. On déterra toutes les personnes mortes depuis ce temps ; et sur une quarantaine, dix-sept montraient les symptômes les plus évidents de vampirisme.
On leur planta un pieu dans le coeur, les décapita, les brûla et jeta leurs cendres dans une rivière.
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Ce cas est entré dans la légendes pour plusieurs raisons :
Le médecin qui s’est occupé de l’affaire, le docteur Johann Flückinger, publia son rapport détaillé, intitulé Visum et repertum (« Vu et rapporté »), en 1731, et ce rapport fut contresigné par divers témoins respectables : officiers, médecins, chirurgiens… C’est un des premiers documents officiels présentant le mot Vampire.
Couverture etude Michael Ranft - 1728
Le gentleman mars 1732 - examen Arnold Paole
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